Lean Construction : Reprendre la main sur le quotidien du chantier
Il y a des projets qui marquent une carrière. Pas seulement par leur taille ou leur complexité, mais parce qu’ils forcent à ouvrir les yeux sur ce qui ne tourne pas rond.
Je repense à l’un d’eux. Un chantier de grande envergure, mêlant plusieurs corps de métiers : génie civil, électricité, instrumentation. J’y étais en charge de la supervision des travaux et du contrôle des coûts. Sur les plannings, tout semblait cadré. Sur le terrain, c'était une autre histoire.
Les équipes étaient là, prêtes à intervenir, mais souvent en attente. Le matériel arrivait… trop tôt ou trop tard. Les plans étaient mis à jour, mais rarement transmis à ceux qui en avaient besoin au bon moment. Des tâches entamées étaient interrompues, puis refaites. Pas de chaos, pas de crise. Juste une suite de petits dysfonctionnements. Invisibles sur les logiciels de planification et de gestion de projets (Primavera, MS Project, Excel,…), évidents sur site.
Ce déséquilibre permanent, je l’ai vu de mes propres yeux. Et c’est là que m’est revenu ce chiffre, croisé lors d’un séminaire sur la productivité sectorielle : la construction ne génère que 10 % de valeur ajoutée, contre plus de 60 % dans l’industrie manufacturière.
Le secteur de la construction ne manque ni de compétences. Il manque de coordination, de fluidité, de vision partagée. Il manque aussi d’une vraie culture de la qualité. Car ces micro-désordres du quotidien ne font pas que gaspiller du temps et de l’argent. Ils fragilisent aussi le résultat final, compromettent la sécurité, altèrent la satisfaction du client.
Alors pourquoi continuer à subir ? Pourquoi accepter que les aléas soient la norme ?
Et si l’on pouvait faire autrement ? Construire de manière plus fiable, plus efficace, plus alignée ?
C’est précisément l’ambition du Lean Construction. Une méthode née de l’industrie, mais adaptée aux chantiers de construction. Pas une formule magique, mais une nouvelle façon d’organiser, de collaborer, d’apporter de la valeur à chaque étape du projet.
La construction - Un secteur dur… mais peu productif !
Dans la construction, on travaille dur. Les journées commencent tôt, les plannings sont tendus, la météo est parfois l’ennemi, et les responsabilités lourdes.
Mais voilà : malgré tous ces efforts, le rendement global reste faible.
Pourquoi ?
Parce que ce secteur, historiquement structuré en silos, souffre de :
- Mauvaises communications entre bureaux d’étude, maîtrise d’ouvrage et chantier,
- Plannings irréalistes,
- Tâches en attente faute de coordination,
- Pertes de matériaux ou re-travail sur site,
- Conflits contractuels,
- Manque de visibilité en temps réel.
Bref, un enchaînement de petits désordres qui se transforment en grosses pertes.
Le Lean Construction : une approche pour construire mieux
En 1997, deux praticiens américains, lassés de voir les mêmes erreurs se répéter chantier après chantier, décident de fonder le Lean Construction Institute (LCI).
Leur ambition ?
« Transformer une industrie brisée de la conception et de la construction grâce à la pensée, aux outils et aux techniques Lean. »
Leur postulat est simple :
Si le Lean a permis à l’industrie automobile de produire mieux, plus vite et avec moins de gaspillage, pourquoi ne pas en faire de même dans la construction ?
7 principes pour repenser la construction
Le Lean Construction repose sur 7 piliers fondamentaux :
1. Éliminer les gaspillages (temps, matériaux, efforts inutiles)
2. Créer de la valeur telle que perçue par le client final
3. Réduire la variabilité dans les processus de réalisation
4. Anticiper, planifier et se préparer efficacement
5. Améliorer en continu, par petits pas concrets
6. Responsabiliser les équipes, pas seulement les managers
7. Mobiliser toutes les parties prenantes dès le début du projet
Mais concrétiser ces principes demande des méthodes efficaces. C’est là que le Lean Construction fait toute la différence.
Construire mieux ne se résume pas à changer les outils, mais à repenser profondément la façon dont on planifie, décide et collabore sur le chantier.
Deux approches clés émergent du Lean Construction :
1- Last Planner System, qui insuffle clarté et cadence à la planification, et
2- Integrated Project Delivery, qui fédère tous les acteurs autour d’un même objectif, dès le début du projet.
Commençons par explorer la première approche de base :
1- Le Last Planner System (LPS)
Imaginez un chantier où chaque acteur – chef d’équipe, sous-traitant, conducteur de travaux – s’engage volontairement sur ce qu’il peut réellement accomplir dans la semaine.
Pas de promesses irréalistes, pas de tâches fantômes. Juste un planning réaliste, nourri par ceux qui font.
C’est la logique du Last Planner System - LPS
Concrètement, LPS repose sur :
- Une planification à plusieurs niveaux : phase initiale, plan à 6 semaines, plan hebdomadaire,
- Des réunions collaboratives régulières, où l’on identifie les blocages à lever avant d’avancer,
- Un suivi du PPC (Percent Plan Completed), pour mesurer la fiabilité des engagements,
- Des feedbacks systématiques, pour apprendre de chaque semaine.
La valeur ajoutée du LPS
- Moins de retards dus à des imprévus mal gérés,
- Moins de frustration chez les équipes, car tout le monde sait où il va,
- Une planification tirée par la réalité du terrain, pas dictée par un bureau éloigné.
Les défis de mise en œuvre du LPS
- Changer la culture managériale : on ne dicte plus, on co-construit.
- Former les équipes aux outils de suivi collaboratif.
- Résister à la tentation de revenir aux vieilles habitudes quand la pression monte.
La deuxième approche fondamentale :
2- L'integrated Project Delivery (IPD)
L’IPD casse un tabou dans le monde de la construction : celui de l’isolement des acteurs.
Traditionnellement, le propriétaire commande, l’architecte dessine, l’ingénieur calcule, et l’entrepreneur… improvise entre tout ça. Résultat ? Mauvaise coordination, tensions contractuelles, litiges.
L’Integrated Project Delivery propose une toute autre approche :
Tous les acteurs clés sont impliqués dès les phases amont du projet, avec des objectifs, des responsabilités et parfois même des incitations financières communes.
IPD = Conception intégrée + Exécution fluide + Engagement collectif |
Les avantages concrets de l’IPD
- Réduction drastique des reprises et des erreurs de conception,
- Meilleure anticipation des contraintes techniques,
- Moins de conflits grâce à une logique de collaboration contractuelle (souvent basée sur des contrats à objectifs partagés).
Les défis de mise en œuvre de l’IPD
- Impliquer les bonnes parties prenantes au bon moment,
- Repenser les contrats traditionnels pour y intégrer des clauses de coopération,
- Briser les barrières de défiance entre les acteurs (souvent ancrées de longue date).
Un chantier plus humain, plus fluide, plus intelligent
Ce que j’apprécie le plus dans le Lean Construction, ce n’est pas la promesse d’un monde parfait.
C’est la possibilité concrète d’avoir :
- des réunions qui servent à quelque chose,
- des décisions prises au bon moment,
- des équipes qui s’écoutent,
- un chantier qui avance sans courir dans tous les sens.
Et maintenant, une question pour vous
Vous qui dirigez ou supervisez des projets de construction – de bâtiments, d’infrastructures, d’ouvrages industriels ou publics – posez-vous cette question :
- Est-ce que votre projet est vraiment piloté, ou bien est-ce lui qui vous pilote ?
- Avez-vous des données fiables, une communication fluide, une équipe impliquée ?
- Ou subissez-vous les éternels imprévus, les urgences du vendredi soir, les retouches sans fin ?
Qu’attendez-vous pour reprendre la main sur vos chantiers ?
Commencez dès maintenant !
Formez vos équipes, adoptez les bons outils (Last Planner System, IPD), ancrez un nouveau mindset et intégrez les pratiques Lean au cœur de vos projets.
Appuyez-vous sur des experts du Lean Construction pour vous guider pas à pas : diagnostic, mise en œuvre, pilotage collaboratif... Le changement se construit avec méthode.
Ne laissez plus vos projets vous échapper. Faites du Lean un levier de performance durable..
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